Effectuer des tests utilisateurs, c’est mettre dans les mains de vos cibles votre solution afin d’en observer leur compréhension et leurs usages. Il s’agit de leur proposer des scénarios et de voir comment ils interagissent avec ce que vous proposez : qu’il s’agisse d’une landing page, d’un tout premier prototype, d’un prototype haute fidélité ou même de votre produit ou service déjà en ligne. C’est un excellent moyen de repérer des bloquants majeurs dans votre proposition de valeurs ou parmi les fonctionnalités, le parcours, l’interface, etc. avant d’effectuer un déploiement de masse.
Plébiscités par les UX et autres product people qui œuvrent à la création ou l’amélioration de leur produit ou service, les tests utilisateurs sont une pierre angulaire d’une conception UX centrée utilisateurs. Mais je trouve qu’ils sont parfois idéalisés et perçus comme une étape lisse, où les utilisateurs vont forcément valider votre solution (et vous encenser au passage). Et si vos utilisateurs invalident vos hypothèses ? si vos testeurs vous échappent ? ou s’ils n’ont pas besoin de votre produit ou service ? que faire ?
Bref, on sait souvent quoi faire quand les tests utilisateurs ont fonctionné et qu’il y a des apprentissages actionnables, mais moins quand il s’agit d’un fiasco. Votre testeur et sa compréhension du produit qu’il a entre les mains peuvent être sources de résultats infructueux, tout comme votre rôle d’animateur dans la préparation et la conduite de vos sessions de test.
Voici quelques exemples et conseils UX pour quitter le mode drama queen et rebondir pour avancer.
Vous avez posé vos questions à vos testeurs et ces derniers ont été confus : ils vous ont clairement avoué qu’ils ne comprenaient pas où vous vouliez en venir, ils vont ont retourné vos questions, vous avez passé la quasi totalité du temps du test sur 1 seule question… Bref, force est de constater que vos testeurs n’ont rien compris. Avant de dramatiser, prenez de la hauteur puis cherchez à mettre le doigt sur ce que vos testeurs n’ont pas compris exactement.
Pendant votre session, si vous constatez que votre testeur passe à côté de quelque chose, je vous conseille de ne pas passer rapidement à autre chose, mais plutôt de prendre le temps de vous y attarder. Cherchez à décortiquer le problème. Voici quelques questions que vous pouvez poser en séance et qui vous aideront à mieux cerner la nature de l’incompréhension : Que vous manque-t-il exactement ? Est-ce les mots utilisés qui ne sont pas clairs pour vous ? Une fonctionnalité ? Est-ce plus largement la promesse du produit/du service ? Une étape du parcours vous a-t-elle perdue ? Idéalement, qu’aimeriez-vous trouver ici ? Comment vous y prendriez-vous pour trouver l’information qu’il vous manque ?
Après votre session, je vous recommande d’évaluer la nature et la taille du problème. Parfois, la mauvaise compréhension d’un ou plusieurs éléments isolés (textes, fonctionnalités, visuels, interactions) peut conduire votre testeur à une impression d’incompréhension globale. Si d’autres testeurs partagent la même incompréhension au cours de vos tests, il vous sera aisé d’ajuster des éléments spécifiques. Rien d’alarmant, les tests UX sont faits pour ça : cherchez à identifier précisément ce qui a bloqué pour y proposer les optimisations justes.
Si vous vous rendez compte que votre testeur n’a en revanche réellement pas compris la promesse de votre produit/service, mener des ajustements à la marge ne sera peut-être pas suffisant. Ayez en tête que si vos utilisateurs n’ont pas pas compris la valeur de votre produit, cela ne veut pas dire qu’ils ne seront pas intéressés lorsque votre proposition sera claire pour eux. Je vous invite alors à repartir de vos éléments de conception UX de base (vos personas, votre proposition de valeur, votre offre et ses bénéfices, vos fonctionnalités) et de chercher à les incarner via un nouveau prototype.
Nourrissez-vous de ce que vos testeurs n’ont pas compris pour mener une itération solide sur votre produit, puis retournez sur le terrain : effectuez une nouvelle phase de tests et observez si les incompréhensions de départ sont toujours présentes (je vous souhaite que non).
Je l’ai souvent entendu : “à chaque fois que je pose une question, mes testeurs me parlent de plein de choses, mais pas de ce qui m’intéresse”. Pire, vos testeurs donnent leur avis sur absolument tout ce qu’ils ont sous les yeux et ne vous laissent pas la parole pour poser vos questions. Agaçant, oui, improductif, aussi.
C’est rare, mais il est parfois possible que certains de vos testeurs vous échappent pendant votre session. Pour éviter cela, je vous recommande de toujours soigner les cinq premières minutes d’introduction de votre session. Précisez votre objectif via ce temps d’échange, expliquez la nature du prototype que vous allez soumettre à votre testeur et quels types de retours vous attendez de sa part (par exemple, expliquez que vous avez construit un premier prototype avec des maquettes graphiques statiques dont seules certains boutons sont cliquables, et que vous attendez surtout des retours sur la promesse du produit et les parcours, plus que sur la forme graphique ou les interactions). Vous éluderez ainsi toutes les divagations de vos testeurs sur le prototype même. Précisez ensuite que vous allez guider la navigation au travers de scénarios et de questions tout au long de la séance, que vous invitez votre testeur à vous faire part de toutes ses remarques, questions, incompréhensions en toute transparence, et qu’il vous arrivera parfois au cours du test de recentrer le propos sur des axes qu’il vous intéressera davantage de creuser. Bref, il ne faut pas que votre testeur se demande ce que vous attendez de lui.
Si, malgré cela, votre testeur s’écarte des sujets qui vous intéresse et vous parle de tout sauf de ce qui vous intéresse aujourd’hui, je vous recommande de ne pas hésiter à reprendre la main sur la session : rappelez-vous, vous êtes ici pour valider ou invalider vos hypothèses et vous êtes le guide de la session. De manière bienveillante, n’hésitez pas à couper votre testeur, soit pour ré-orienter le propos, soit pour rappeler ce que vous cherchez à creuser.
Si vous sentez que votre testeur divague malgré tout, n’écoute pas vos consignes et que vous n’arrivez pas à obtenir les réponses à vos questions, je vous recommande alors, tout simplement, d’écourter la session : indiquez à votre testeur que vous êtes arrivé au bout des sujets que vous souhaitiez aborder avec lui, effectuez votre conclusion et arrêtez-vous ici. Take it easy : rien de grave, tous les testeurs ne peuvent pas être vos testeurs idéaux, mais pensez à sauvegarder votre énergie et votre temps.
Vous avez posé toutes vos questions, mais pourtant : vous n’arrivez pas à exploiter la matière recueillie. Encore une fois, prenez de la hauteur et posez-vous les questions suivantes :
Mes questions étaient-elles les bonnes pour valider ou invalider les hypothèses que j’avais en tête ? Votre protocole de test est un outil destiné à évoluer dans le temps, dites-vous que vos sessions de tests utilisateurs servent aussi à tester votre protocole et vos questions (un méta-test, vous me suivez ?). Si vous vous rendez compte que les insights que vous avez obtenus après plusieurs sessions de tests ne sont pas ceux que vous recherchez, c’est peut-être que vos questions ne sont pas formulées pour obtenir les réponses dont vous avez besoin. Alors je vous recommande de vous demander : à la fin de mes tests utilisateurs, que dois-je absolument avoir appris ?
Ai-je recueilli des insights utiles sur d’autres sujets que celui qui m’intéressait au départ ? Si après plusieurs sessions de UX tests vous vous rendez compte que vos testeurs se dirigent naturellement vers un ou plusieurs autres sujets que celui qui vous intéressait en premier lieu, alors je vous conseille d’y prêter grande attention. Peut-être que le sujet que vous aviez jugé prioritaire n’est pas le bon et que vos utilisateurs sont en train de vous donner des insights sur un sujet plus important pour eux. Ces insights vous seront précieux pour mener votre itération, voir à pivoter.
Si vos échanges avec vos utilisateurs ne vous ont absolument pas été utiles, alors je me permets de vous dire ceci : le non insight est aussi un apprentissage. Si vous n’arrivez pas à valider ou invalider vos hypothèses via votre prototype, alors c’est peut-être là un problème de conception : vos utilisateurs ont-ils besoin de ce que vous leur proposez ? votre produit ou service répond-t-il à un vrai problème ? avez-vous suffisamment décortiqué/exploré le problème de départ ? votre proposition de valeur est-elle la bonne vis-à-vis de cela ? votre prototype UX incarne-t-il votre offre de manière suffisamment juste ? Autant de questions qui vous aideront à avancer.
C’est difficile pour vous mais force est de constater que vos utilisateurs sont unanimes : ils n’auront aucun usage de votre produit ou service, il ne s’inscrit en rien dans leurs besoins au quotidien, pire, ils ne paieront jamais/ne s’inscriront pas pour y avoir accès. Ce n’est pas évident car prototyper votre produit est un travail qui vous a pris du temps, pour lequel vous avez façonné une vision, et qui implique émotionnellement chaque membre de l'équipe. Vous attendez beaucoup de vos tests utilisateurs, (et c’est normal). Passé le moment des chaudes larmes et autres tourments, soyez reconnaissant d’avoir obtenu cet apprentissage maintenant : cela vous fera gagner du temps et de l’argent. Ne continuez pas à explorer un terrain infertile et cessez d’investir dans cette direction.
Ceci étant dit, c’est très bien, mais comment faire pour avancer ? Forts de ce que vous avez appris durant vos sessions de tests utilisateurs, je vous recommande de revenir à une phase d’exploration plus large vis-à-vis de votre sujet : benchmark, (re)définition des cibles prioritaires à adresser, exploration des problèmes et usages aujourd’hui vis-à-vis de votre sujet, market sizing, etc. Je vous recommande alors de mener cette fois des interviews de user research pour vous aider à repartir de l’essentiel : cherchez à identifier et décortiquer des usages actuels, à identifier des problèmes et frustrations, puis à esquisser quels pourraient être les usages futurs. Ceci vous permettra ainsi de ré-orienter votre approche et de concevoir une nouvelle proposition de valeur/un nouveau prototype UX sur des bases solides.
Vous l’aurez compris : les tests utilisateurs ratés, cela n’existe pas vraiment. Tout apprentissage ou non-apprentissage est une base solide sur laquelle bâtir. Dans un cas, vous apprenez sur votre posture d’animateur et sur ce que vous devez corriger pour obtenir la matière que vous recherchez. Dans l’autre cas, vous obtenez des retours qui vous aideront à recentrer, optimiser ou faire pivoter votre produit.
Et sinon, quelles sont vos pires anecdotes de tests utilisateurs ? Et comment avez-vous rebondi ?
Échangeons autour d’un thé vert et quelques histoires drôles : cindy.renard@digilityx.com
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