Pour comprendre pourquoi faire de l'éco-conception web il faut d'abord comprendre quels sont les enjeux environnementaux du numérique responsable. Voyons tout d'abord quels sont les enjeux du numérique aujourd'hui et pourquoi parle t'on de numérique responsable?
Le digital permet d’économiser du papier non? Alors pourquoi fait-on autant de bruit pour un numérique plus responsable?
Il faut comprendre que le numérique n’est pas immatériel.
Pour pouvoir y accéder, nous avons besoin de terminaux (ordinateurs, tablettes, téléphones portables, montres connectées…) et d’une infrastructure (serveurs, cables sous-marins, satellites, data centers, etc).
Cet écosystème digital a un impact environnemental.
Le numérique est un des seuls secteurs où les gaz à effet de serre continuent d’augmenter de façon exponentielle.
Depuis 2013, les émissions ont augmenté de moitié, aujourd’hui elles représentent 3,7% de la quantité mondiale, et on estime que l’empreinte atteindra 6% en 2025*.
La majorité des impacts du numérique provient de la fabrication des appareils électroniques. Pour un ordinateur, la fabrication représente 75% des impacts.**
L’association de La Fresque du Numérique a inventé un concept, le “sac à dos écologique”, pour représenter l’énorme quantité de ressources nécessaires pour la fabrication des terminaux. Chaque objet fabriqué possède son “sac à dos” représentant la quantité de matière première, non visible nécessaire à sa fabrication.
Si on reprend l’exemple de l’ordinateur, pour un ordinateur de 2kg il faut presque une tonne de matières premières pour sa fabrication: 600kg de minéraux pour extraire et raffiner les métaux rares et 200kg d’énergies fossiles et ce sans compter l’eau nécessaire pour l’extraction et la fabrication.
Pour aller plus loin, nous vous recommandons vivement de participer à un atelier de la fresque du numérique.
Pas encore convaincu (e) ?
Le numérique est une ressource critique, non renouvelable, qui s’épuise inéluctablement. A ce rythme, elle sera épuisée dans une 1 à 2 génération(s).
C'est ce que nous répète inlassablement Frédéric Bordage, auteur de “Éco-conception web, les 115 bonnes pratiques.
En effet, les gisements de métaux rares étant de moins en moins concentrés, il faut de plus en plus de ressources pour extraire les matériaux nécessaires à la fabrication des terminaux. Il est urgent d’agir pour préserver la ressource et réduire les impacts.
Mais… si c’est la fabrication des appareils qui fait le plus de dégâts, l’éco-conception de services numériques est-elle pertinente ?
La réponse courte est oui. Certes l’éco-conception de services numériques n’a pas un lien direct sur l’impact de la fabrication des terminaux, et ce n’est pas LA solution miracle car il n’y en a pas. Elle a cependant un impact indirect sur la fabrication.
On vous explique.
En moyenne dans le monde, chaque utilisateur possède 7 équipements*** soit plus de 34 milliards d’équipements sur terre.
Nous avons vu précédemment que l’usage représente peu d’impact par rapport à la fabrication des terminaux mais la façon dont on utilise les services numériques a un impact direct sur leur durée de vie et sur l’infrastructure nécessaire pour les faire tourner.
La couche logicielle de plus en plus lourde et les mises à jour constantes entrainent un besoin de plus de puissance et donc de changer de terminal.
Aujourd’hui on va changer son téléphone parce qu’il est trop lent. L’ARCEP a réalisé un sondage en 2021 pour comprendre les motifs de renouvellement de son smartphone. 63% des répondants évoquent des raisons liées à des problématiques matériels et de logiciels comme par exemple “Il ne fonctionnait plus correctement”.
Il est aujourd’hui impératif d’inverser la tendance de couches logicielles de plus en plus gourmande en puissance.
En concevant des services numériques plus épurés et moins lourds qui peuvent être utilisés par tous les types de terminaux, on permet aux utilisateurs de conserver leur appareil plus longtemps et donc in fine diminuer la quantité de devices fabriqués.
Bon déjà contribuer à sauver la planète est un bénéfice très important non?. En appliquant la méthodologie de l’éco-conception, vous devenez un acteur de la transformation vers un numérique plus responsable. Mais il y a d’autres bénéfices à éco-concevoir un service numérique qui peuvent vous aider dans votre quotidien à améliorer le service et vous permettre de convaincre vos interlocuteurs moins sensibles à la cause écologique.
La méthodologie consiste à optimiser les performances des produits digitaux. Pour ce faire elle va épurer le contenu, retravailler les parcours, et amener les utilisateurs le plus rapidement possible à accomplir leur but. Elle a donc un impact très positif pour l’expérience de vos utilisateurs.
Un site plus performant signifie un meilleur référencement sur les moteurs de recherche.
Le gouvernement travaille actuellement sur des règlementations pour un numérique plus responsable. On peut citer par exemple la loi REEN qui s’articule autour de plusieurs objectifs, l’un d’entre eux étant l’adoption d’usages numériques éco-responsables et notamment à l’origine du référentiel général d’éco-conception, fixant des critères de conception durable afin de réduire l’empreinte environnementale de ces services. Tout comme les DPE énergétiques aujourd’hui obligatoires pour vendre ou louer un bien immobilier, prenez de l’avance et commencez dès aujourd’hui à mesurer et limiter vos impacts numériques.
En plus de vos actions à impact positif, vous pouvez aussi agir sur votre site internet ou applications. Avoir un site éco-conçu vous permet de montrer votre engagement à tous les niveaux.
La méthodologie d’éco-conception de service numérique est inspirée des méthodologies d’éco-conception de produits physiques et notamment des méthodologies d’ACV, Analyse du Cycle de Vie pour mesurer l’impact environnemental d’un produit physique tout au long de son cycle de vie, de sa fabrication à son recyclage.
C’est généralement ces mêmes principes qui sont repris par les outils de mesure utilisés dans le cadre d’une démarche d’éco-conception.
L’éco-conception de service numérique est une démarche relativement récente qui reprend des principes de performance web et d’expérience utilisateurs ou encore d’accessibilité sous un prisme environnemental.
Il n’y a pas une seule méthodologie d’éco-conception de service numérique et à l’heure actuelle les experts du numérique responsables travaillent encore sur la conception et formalisation des méthodologies et outils d’éco-conception de service numérique.
Les étapes suivantes sont donc une proposition de la méthodologie que nous utilisons chez Digilityx mais n’ont pas vocation à être normatives. Libre à vous d’adapter la méthodologie selon votre contexte.
Les outils de mesure de l’impact des services numériques étant aujourd’hui principalement dédiés à des services web, le périmètre de la méthodologie est pour le moment restreint à un périmètre web uniquement.
Ci-dessous 6 étapes clés à suivre pour éco-concevoir une fonctionnalité d’un service numérique. La méthode peut différer si votre fonctionnalité existe déjà et que vous souhaitez l’optimiser ou que vous êtes en train de créer un nouveau service. Nous indiquerons au début de chaque étape si elle s’applique dans un cas particulier.
Le premier pas c’est de faire un état des lieux de votre service numérique pour savoir où vous aurez le plus d’impact et comment est utilisé actuellement votre service. Pour commencer, consultez vos analytiques pour identifier les pages les plus visitées (et donc celles avec le plus d’impact).
Quelles sont les pages les plus visitées de votre site? Quel comportement ont vos utilisateurs sur ces pages? Scrollent-ils jusqu’au bout de la page? Où s’arrêtent-ils? Y a t’il des pages qui ne sont jamais ou très peu consultées?
Maintenant que vous connaissez les usages actuels de votre service numérique, vous devez faire un état de lieux de vos utilisateurs. Définissez vos personae et leurs objectifs lorsqu’ils viennent sur votre site.
Cela vous permet de définir des “unités fonctionnelles”, c’est-à-dire des actions ou jobs to be done que cherchent à réaliser vos utilisateurs, par exemple postuler à une offre d’emploi ou acheter une place de concert. Ces unités fonctionnelles sont les fonctionnalités clés de votre service.
Quelles sont les parcours qui permettent à vos utilisateurs de réaliser ces unités fonctionnelles ? Combien de pages, clics, scroll ou actions requiert-ils? Serait-il possible de les simplifier?
L’objectif est de revenir à l’essentiel. Cela va aider vos utilisateurs à accomplir leurs objectifs plus rapidement et épurer votre solution.
N’embarquez pas trop d’unités fonctionnelles à la fois, concentrez-vous sur une ou deux unités fonctionnelles pour commencer. Vous pouvez vous appuyer sur des méthodes de priorisation pour vous aider comme la méthode MoSCoW.
Vous pouvez consulter notre article 3 méthodes de priorisation pour être plus efficace dans son product management pour en savoir plus sur cette méthode.
Nous allons maintenant mesurer l’impact des 5 pages les plus visitées de votre site et des parcours que vous avez priorisé dans l’étape précédente.
Il existe plusieurs outils pour mesurer l’impact de vos pages. Dans notre méthode nous nous appuyons sur le plugg-in de Green IT Analysis pour mesurer chaque page.
Analysez page par page l’impact des 5 pages les plus visitées.
Pour les parcours procédez aussi à une analyse page par page sans vider votre cache entre chaque analyse.
Pensez à bien conserver le résultat de chaque analyse, cela vous permettra de mesurer vos efforts et votre gain de performance.
Pour en savoir plus sur les différents outils et leur utilisation, nous vous invitons à regarder notre article 5 outils de mesure pour évaluer l’impact environnemental de ton produit web.
Si vous souhaitez avoir des ordres de grandeurs et vous donner des objectifs, pensez à analyser les pages principales de vos concurrents pour voir où vous vous situez par rapport à eux. Un site e-commerce ou un site vitrine d’une galerie d’art seront difficilement aussi léger qu’un site institutionnel. Cela peut aussi vous donner des idées pour construire votre backlog d’améliorations.
Commencer avec le design en mobile ajoute une contrainte d’espace et permet de juger mieux la longueur du contenu et la disposition des composants. Animer un atelier pour créer les wireframes peut aider à continuer d’épurer le contenu, ce qui permet d’alléger la page au final.
Au moment de créer un backlog pour intégrer ce que vous avez conçu, c’est important de regarder les référentiels qui permettent d’évaluer si vous suivez les bonnes pratiques. Vous pouvez consulter celui de Designers éthiques ou le RGESN.
Cette méthode doit être inscrite dans un cycle d’amélioration continue. Le but c’est de continuer à optimiser le service numérique et d’avoir une bonne note même avec les mises à jour et les évolutions de contenu. L’éco-conception ne peut fonctionner si elle n’est pas maintenue. Former les équipes de gestion des sites et contenu est primordiale pour garantir la vie durable de votre produit digital.
Des doutes ou des questions sur la méthodologie ? On sera ravies d’en discuter autour d’un café ou d'un thé. ☕🫖
Ecrivez-nous à vinciane.plessis@digilityx.com et catalina.pastas@digilityx.com.
Sources :
*Rapport de The Shift Project « POUR UNE SOBRIÉTÉ NUMÉRIQUE » (2018)
**Frédéric Bordage, GreenIT.fr, 2022, ordres de grandeurs généralement constatés.
***« Empreinte environnementale du numérique mondial », GreenIT.fr, 2019 et étude « iNUM : impacts environnementaux du numérique en France », GreenIT.fr, 2020, chiffres mis à jour.
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